jeudi 19 juin 2008

Affaire Selamha, mariée contre son gré: L’avocat de la défense introduit un recours en liberté provisoire pour le mari et la mère

L’affaire remonte à une année maintenant. Un mauritanien, Mokhtar Salem, et sa belle-mère, Hawa Mint Cheikh, sont mis en examen en Espagne pour complicité de «détournement de mineur et violence sexuelle » à la suite d’une plainte introduite par Selamha. Les deux personnes sont le mari et la mère de la victime. Incarcérés depuis une année maintenant, ils sont passibles de 15 ans de prison. Leur avocat vient de demander une liberté provisoire pour ses clients. Une liberté provisoire dont avait bénéficié son père au déclenchement de cette affaire avec assignation à ne pas quitter le territoire espagnol.L’affaire de Selamha Mint Mohamed Ould Abdellahi a défrayé la chronique à Nouakchott. Née en 1992 en Espagne et jusqu’à l’âge de 15 ans, la fillette vivait normalement sa vie. Ses parents sont établis en Espagne depuis les années 1980. L’histoire de cette fillette qui étudiait en Espagne et était très liée d’amitié aux fillettes des voisins espagnols va pourtant connaître un véritable chamboulement, après un voyage au pays. C’était en 2006.
Le voyage en Mauritanie était bien plus pour ses parents, une opportunité de chercher un mari musulman à leur fille qui «devenait une femme» dans leur entendement, que de l’emmener en villégiature. Ils n’eurent pas trop de mal à lui dénicher l’heureux élu. Si on peut encore le dire.Ce fut un cousin de l’Assaba, un jeune homme d’affaires, Mokhtar Salem, qui était venu réclamer sa main. Selemha, elle ne voyait rien venir. Il semble même qu’elle était amusée de la fête qu’on offrait, sans savoir qu’elle en était elle-même l’objet. Tout se passe si vite qu’elle ne réalise pas qu’elle est devenue l’épouse de son cousin.Le mariage est célébré et consommé à Nouakchott. Selemha fait contre mauvaise fortune bon cœur. Trois mois durant. Elle est même gênée de parler de cet épisode de sa vie. L’alliance nouée, les parents ramènent leur enfant avec eux en Espagne et rendez-vous est pris avec le nouveau mari de les rejoindre. Il venait d’Allemagne. Une seconde lune de miel qui va mal se passer.En effet, dès son retour en Espagne, l’adolescente Selemha parle de sa «mésaventure » à ses jeunes amies espagnoles qui étaient de surcroit des voisines. Pour la famille espagnole nourrie aux valeurs cardinales de l’Occident, c’était tout simplement «horrible » ce mariage arrangé.Pour cette famille, comme pour toute l’ Espagne qui abritait la famille de Selemha , c’était inadmissible que de donner en mariage une adolescente de 15 ans en mariage. Même si en Occident aussi, les filles de son âge pouvaient contracter, à l’insu de leurs parents, des relations sexuelles. C’est donc avec l’arrivée prévue du mari, Mokhtar Salem, que le plan mijoté par Selemha et ses amies voit le jour. La jeune fille encouragée par ses amies espagnoles va au commissariat de Puerto Real déposer une plainte contre son mari et ses parents. A peine descendu d’avion, Mokhtar Salem est arrêté par la police. Sa belle-mère aussi. Le juge décide sur la foi de la plainte déposée par la victime de les mettre en examen. Malgré les efforts de leur avocat et du fait, parfois, des dérapages de la presse espagnole, ils resteront un an en prison. Selemha aurait rejoint la famille espagnole et ses deux amies espagnoles Margarita et Rachel. Mais aujourd’hui se pose aussi le problème de l’adoption de l’adolescente qui, malgré tout, est restée mauritanienne et a pu reprendre ses cours.Ce n’est donc que ces derniers jours que l’affaire est encore remontée à la surface avec la possibilité pour le mari et la mère de bénéficier, eux aussi d’une liberté provisoire, en attendant le jugement définitif. Un procès qui risque de transformer en un réquisitoire contre nos traditions locales. A noter que le ministère public espagnol a outre le délit sexuel contre les parents de la victime requis désormais contre eux le délit de mauvais traitement. Comme pour les questions du foulard, de l’excision, le droit matrimonial réprime les mariages forcés assimilés à une violence sexuelle. Malgré l’extraterritorialité de l’acte de mariage, Selemha a crée un précédent jurisprudentiel en Espagne.

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